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Je n’insiste pas et j’aborde l’étude critique des corsets de la deuxième catégorie, c’est-à-dire des corsets droits.

Sur ceux-ci, M. Degrave a écrit quelques pages pleines d’humour, aussi, je laisse la parole à mon confrère : Madame de Girardin disait qu’on n’a pas la même âme en robe du matin ou en toilette du soir. De ces paroles on a tiré des déductions plus ou moins philosophiques, mais surtout littéraires, sur le rôle moralisateur de la toilette et par conséquent du corset puisque le corset reste toujours l’armature centrale de la toilette féminine. Un aimable écrivain naguère dans le Figaro exaltait cette sorte de contrainte créée par le corset qui fortifie la volonté et tonifie le caractère. De pareilles idées nous ramèneraient peut-être à la pratique malsaine des anciens cilices. Elles sont d’un autre âge. Bref, sauf votre respect, ça pue le moisi. À ces momies d’antan, tenaillées, cadenassées, étouffées, pétrifiées, je préfère certes les « emballées masquées, enlunettées, empaquetées, vêtues de peaux de bêtes » mais ivres de vent, de paysages et de vitesse que sont les automobiles modernes. Pas si empaquetées que ça, croyez-le, car au sortir de ces vilaines peaux, elles savent, au travers de leurs dentelles flottantes nous montrer des corps sains, respirant santé et beauté, vrais apanages de la vie.

Je suis d’avis en effet, pour relever les volontés débiles, qu’il est assurément des exercices plus nobles, plus louables, plus moraux, que de meurtrir et lacérer volontairement ses propres chairs et entraver ainsi le complet épanouissement de son être y comprise la grande œuvre de la maternité. Poussons à bout cette argumentation, il me serait facile d’aboutir à conclure que le corset, comme le cilice, est une arme doublement néfaste, à double tranchant, suicide et homicide, car virtuellement faiseur d’anges.

S’il est vrai qu’on n’a pas la même âme en robe du matin qu’en toilette du soir, moi hygiéniste plus prosaïque, je vois dans ces paroles l’éclatante confirmation d’un chapitre de notre pathologie, qui est la dyspepsie nerveuse, et aussi l’entéroptose, sa fidèle compagne, tellement fidèle qu’elle forme avec elle anneau de la même chaîne, l’une attirant l’autre et réciproquement.

Vous dormez mal, n’est-ce-pas, Madame ? À minuit, une heure, deux heures du matin, vous êtes en proie à un malaise quelquefois tellement angoissant que vous croyez que c’est la fin. Torturée par des pincements, déchirements, dans la région du cœur, qui palpite et s’affole, me-