y gagner. De grands maîtres eux-mêmes n’ont pas su éviter cet écueil.
S’ils cherchaient un refuge contre ce danger dans l’imitation servile de la nature, ils risquaient d’entacher leurs œuvres de grandes imperfections, car ils n’avaient pas tous la chance de trouver des modèles d’une incomparable beauté.
Mais le public, aussi bien que les artistes, avaient perdu l’habitude de contempler chaque jour le nu. Ainsi s’explique comment, de part et d’autre, on était devenu moins difficile, moins exigeant à l’égard de la beauté.
L’individualité tend dès lors à s’affirmer toujours davantage et le cas se présente que des mérites éclatants au point de vue de la conception, de l’exécution, empêchent des générations entières d’apercevoir certaines fautes commises volontairement ou involontairement par l’artiste.
Un exemple suffira pour montrer comment des connaisseurs eux-mêmes peuvent se laisser entraîner par le courant de l’opinion à des conceptions erronées.
Je choisis à cet effet la Vénus florentine d’Alexandre Botticelli, à laquelle les préraphaélistes ont donne l’éclatant témoignage d’une admiration sans bornes.
Voici cependant, continue le docteur Stratz, ce que je vendrais répondre à leurs tirades : « la figure de la Vénus de Botticelli est pleine d’un charme délicat et mélancolique qui produit une profonde impression ; mais si l’on examine la figure de plus près, on découvre dans le cou long et mince, dans les épaules tombantes, dans le thorax étroit et affaissé, dans les seins qui se trouvent par suite trop bas et trop rapprochés, le type bien caractérisé de la phtisique dont la beauté si triste inspire ici comme dans la réalité un vif sentiment de pitié. Et si nous réfléchissons que Simonetta Catanea est née en 1453 et qu’après s’être mariée en 1468 avec Marco Vespucci elle est morte de la phtisie dès 1476 à peine âgée de vingt-trois ans, il nous paraît bien vraisemblable qu’elle a servi de modèle pour la Vénus de Botticelli et que l’artiste, pour des raisons faciles à imaginer, n’a légèrement changé que les traits du visage : Botticelli a donc, sans le savoir, fait d’un type de belle phtisique son idéal. Ses héritiers et ses imitateurs ne s’en sont pas rendu compte et, séduits par son idéal, ils ont imprimé à des modèles parfaitement sains une partie des symptômes de la phtisie, créant ainsi des êtres hybrides, impossibles dans la réalité.
Burne Jones, l’un des plus grands préraphaélistes nous