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aux modes de l’Antique Grèce les jugements que nous portons sur les œuvres d’art moderne ou même sur le nu vivant.

Ne citons de ceci que deux exemples. Il n’y a à notre connaissance dans tout l’art classique que deux statues représentant un homme nu avec des moustaches : ce sont le Gaulois mourant et le Gaulois du groupe d’Arria et Pœtus. Partout ailleurs, ou bien les figures ont toute la barbe ou bien elles sont imberbes. Ce n’était ni chez les Grecs, ni chez les Romains, la mode de porter la moustache ; dans les statues en question, elle sert justement à caractériser le Barbare. Bien que parmi nous le port de la moustache soit fort ordinaire, on n’en trouve, pour ainsi dire, point d’exemples dans l’art, exception faite des portraits, naturellement.

Elle nous choque dans le nu ; elle fait que nous ne voyons plus simplement l’homme nu, mais l’homme déshabillé, pourquoi ? Parce que nous subissons la mode des anciens Grecs.

Prenons comme second exemple la représentation du nu féminin. On y supprime régulièrement tous les poils. Pourquoi ? Parce que la chose est laide en elle-même ? Non, sans doute, mais parce que chez les Grecs et chez les Romains, comme aujourd’hui encore chez les Orientaux, l’usage contraignait les femmes de s’épiler. Nous en avons un témoignage dans les célèbres passages de Martial et d’Ovide.

On en trouve une preuve de plus dans la cent troisième chanson de Bilitis, où l’on signale comme une particularité des prêtresses d’Astarté le fait suivant : « Elles ne s’épilent jamais afin que le sombre triangle de la déesse marque leur ventre comme un temple ».

Quoique la dépilation soit une mode disparue de notre civilisation depuis de longs siècles, l’art l’a conservée et l’a ainsi imposée à l’idéal de beauté de l’homme moderne. Si l’on compare la Vénus du Vatican et la danseuse de Falguière, on verra jusqu’à quel point, non seulement l’individu isolé, mais « l’opinion publique » tout entière se laisse influencer par les apparences.

La statue de Vénus remplit les conditions que nous exigeons d’une figure féminine normale. Chez là danseuse voici ce que nous constatons : l’usage du corset a déterminé un rétrécissement artificiel de la taille, les seins sont mal placés, la position des ; genoux est : défectueuse ; enfin l’articulation du pied est trop forte.

La conception de la beauté chez les modernes est donc