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de ce chapitre, lui emprunter sous forme d’analyse ou de citation quelques-unes des pages qu’il a écrites sur La beauté de la femme, et c’est de ce livre qu’avec l’aimable autorisation de l’auteur j’ai extrait les fig. 118 à 120, 122 à 129 et 131 à 133.

L’Européen moderne ne connaît pour ainsi dire rien du corps féminin vivant. Il n’en voit que le visage et les mains ; dans les occasions solennelles, les bras et les épaules. Il ne voit dans sa vie qu’un seul ou tout au plus que quelques corps de femmes nues, et c’est presque toujours dans des circonstances telles que sa faculté de juger froidement et en toute indépendance ou bien lui fait complètement défaut ou du moins est fort troublée, car l’amour rend aveugle. Il peut à la vérité se former une opinion personnelle sur le visage et les mains ; les seules notions qu’il possède sur le reste du corps, il les doit au souvenir des reproductions artistiques qu’il en a vues ; les observations qu’il a pu faire sur le vivant ne comptent guère. Ainsi donc, l’idéal de beauté de l’Européen moderne repose en grande partie que sur des impressions qu’il n’a pas reçues directement de la réalité, mais seulement par l’intermédiaire de l’art. L’artiste et le médecin font exception à cet égard.

Nous autres Européens, nous condamnons sans même le connaître le nu dans la nature tandis que dans l’art nous en tenons la représentation pour licite et nous l’avons constamment sous les yeux. C’est pourquoi ignorant la nature, nous nous servons pour juger la beauté du corps féminin de critères empruntés à l’art. Et nous ne nous rendons pas compte que la conception de la femme est, elle aussi, soumise dans l’art à une certaine convention, à une tradition, et qu’on ne peut la transporter tout d’un bloc dans la réalité. Nous trouvons fa Vénus de Milo belle comme elle est, mais, habillée à la mode actuelle, elle nous semblerait affreuse, car les vêtements qu’on porte aujourd’hui lui épaissiraient encore la taille. Vous admirez la Vénus de Milo et vous admirez une taille fine, mais une fois la femme mince déshabillée, vous serez obligés de conclure qu’elle doit être laide puisqu’elle ne ressemblera pas à la Vénus.

Et pourtant l’expérience vous donnera, tort. Vous serez donc obligé de conclure autrement, et dans ce sens qu’on a beau connaître par cœur la Vénus de Milo, cela ne donne aucunement le droit de porter un jugement sur le corps d’une femme habillée.

Mais il y a plus : sans nous en douter nous soumettons