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les Espagnols, les Corses et en général les peuples montagnards se ceignent les reins et n’en sont que plus propres à la marche et aux fatigues. Les Romains appelaient « alte cinctus, ceint haut » l’homme courageux à l’action et discinctus, d’indolent, l’énervé, le soldat sans cœur : « Méfiez-vous, disait Sylla en parlant de César, de ce jeune homme à la ceinture lâche ». En contractant le volume des viscères, la ceinture les rend plus faciles à porter. Elle est à l’homme ce que la sangle est au cheval. La ceinture hypogastrique semble donner un appui utile aux muscles abdominaux. C’est un usage général de serrer les muscles auxquels on veut donner le maximum de force ; ainsi les portefaix mettent à leur poignet un anneau de cuir, quelle que soit du reste l’explication qu’on veut donner à ce fait. En tant que ceinture serrant modérément le ventre, le corset est donc utile.

Pour quelques auteurs le corset a plus de qualités encore. Ainsi Mme de Genlis (1746-1830) dans son dictionnaire des Étiquettes de la Cour considère les corps baleinés comme des protecteurs tutélaires contre les affections des voies respiratoires, elle pense avec M. Andry (1758), l’auteur de l’Ami des hommes que le corset perfectionne l’espèce humaine : « On a beaucoup déclamé contre les corps, qui sont en effet très dangereux lorsqu’ils sont trop étroits, mais quand ils ne gênoient pas, ils élargissoient prodigieusement la poitrine et jetant les épaules en arrière. On a remarqué que, depuis qu’on n’en porte plus, les maladies de poitrine, sont infiniment plus communes parmi les femmes. Enfin les corps baleinés avaient un grand avantage, celui de préserver les enfants du danger de presque toutes les chutes ».

Mais plus près de nous voyez ce que dans son Traité d’hygiène le distingué Pr  Proust a écrit : « Toute compression excessive en gênant la circulation capillaire produit sur les parties du corps où elle s’exerce des congestions dangereuses et des déformations souvent incurables. Il ne faut pas que la ceinture ou le corset portent jusqu’à l’exagération la finesse de la taille. Il y a une perversion de goût et disons-le un coupable attentat contre soi-même dans cette application de certaines femmes et même de certains hommes à réduire à un étranglement ridicule et choquant la partie moyenne du corps. La femme mince est loin d’être la femme svelte. Le corset trop serré, trop raidi par des lames de baleine détruit la gracieuse ondulation des lignes, rend la marche saccadée, et surtout en contrariant le libre jeu des organes respira-