Page:O'Followell - Le corset, 1908.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

158

la couperose, des boutons, de l’acné, de l’eczéma, etc.

« Le visage est à la femme ce que la fleur est à la plante, ce que la rosé est au rosier. Or que diriez-vous d’un fleuriste qui en présence d’une mauvaise rosé pour en obtenir une plus belle au lieu de la cultiver et améliorer le rosier s’armerait d’une palette et badigeonnerait cette même rosé de couleurs postiches ? Vous le traiteriez de fou, de trompeur, de fraudeur. Les femmes n’agissent pourtant pas autrement quand pour obtenir un frais et joli visage, elles se livrent clandestinement aux opérations laborieuses du maquillage. Avec toute une gamme, combien riche et variée, de blanc, de noir, de rouge et de bleu, elles colorent leur visage se préoccupant avant tout de ce qui se voit ou si vous aimez mieux de leur façade.

Pour accomplir cette œuvre de vanité et de mensonge les femmes ont suscité tout un art à l’édification duquel ont contribué tous les arts et toutes les sciences. C’est ainsi que la chimie leur livre ses poudres et ses peintures, bases de tous leurs fards. La physique leur prête ses piles €t son électrolyse, auxquelles la chirurgie adapte habilement ses scarificateurs les plus fins et ses stylets les plus mignons pour extirper de leurs lèvres un duvet trop insolent ou effacer des taches importunes. Tant de combinaisons ingénieuses n’aboutissent à supprimer une tache, une ride, qu’au bout de trois ou quatre mois de soins assidus et de deux heures par jour de douloureux traitements.

De sottes indiscrétions nous ont même révélé que certaines coquettes du temps présent ne répugnent pas à plaquer sur leur figure, durant des nuits entières, des tranches de bœuf crues et saignantes. Aucune eau de beauté, aucune eau de Jouvence, n’égale paraît-il, cette recette-là. Pauvres maris ! Combien plus facilement que « la plus petite ride », de pareils masques doivent servir de fosse même au plus grand amour.

Toutes considérations morales mises à part, je ne vous étonnerai sans doute point en vous assurant que les femmes dépensent fort mal", et en pure perte, tant d’efforts d’énergie, d’endurance et de patience obstinée. Construite sur une base chancelante, leur éphémère façade se fane, se ride, s’écaille et s’effrite aussitôt. Le replâtrage, voire même remaillage, puisqu’il existe, est toujours à refaire. C’est un perpétuel recommencement, un vrai supplice qu’il n’est pas exagéré de comparer à celui de Sisyphe, car, comme son rocher, leur éclat em-