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Le péril jaune[1].


« Partout où l’ouvrier chinois ou même nègre est en concurrence avec l’ouvrier blanc, dit M. E. Faguet[2], celui-ci est vaincu ». Nous avons assez vu cela dans l’Outre-Mer de Bourget, où le terrible problème des races est si nettement posé ! « L’ouvrier à cinq sous est naturellement vainqueur de l’ouvrier à cinq francs ».

Le « péril jaune » est signalé de toutes parts. Les Chinois sont quatre cents millions. Théoriquement ils peuvent mettre trente millions d’hommes sur pied de guerre. Un beau matin, ils devaient envahir l’Europe, massacrer ses habitants et mettre fin à la civilisation occidentale. Cela paraissait un dogme inattaquable. Mais on s’est aperçu dans ces derniers temps que les Chinois éprouvent une horreur insurmontable contre le service militaire. Depuis qu’ils se sont laissés battre par les Japonais, dix fois moins nombreux, les pessimistes ont fait volte face. Le « péril jaune » n’est plus à craindre sous forme d’invasion militaire, du moins pour une période qui peut entrer dans nos préoccupations, le « péril jaune » vient surtout de l’ouvrier chinois qui se contente de cinq sous.

« L’habileté de l’ouvrier oriental, sa sobriété extrême, ne font de doute pour personne, dit M. H. Normant[3]. Entre deux ouvriers également habiles, celui qui est le plus sobre est déjà assuré de la supériorité ; il en sera bien plus certain encore s’il se contente d’un salaire très inférieur à celui de son concurrent. Or c’est le cas de l’ouvrier jaune par rapport à l’ouvrier blanc. Celui-ci est vaincu d’avance. L’ouvrier jaune tient l’ouvrier blanc à sa merci ». Les Chinois, les Hindous, les nègres se contentant d’un faible salaire, fabriqueront bientôt tous les produits à meilleur marché que les blancs ; alors personne ne voudra plus acheter les articles des blancs. N’ayant plus de travail, ceux-ci seront réduits à mourir de faim. L’Europe deviendra une solitude et notre civilisation périra.

  1. Cet article est imprimé avec les modifications ortografiques exposées dans le no de février 1897 de la Revue Internationale de Sociologie.
  2. Journal des Débats du 25 juillet 1895, feuilleton intitulé le Prochain Moyen-Age.
  3. Cité, par M. P. d’Estournelle de Constant, dans un article de la Revue des Deux-Mondes, du 1er  avril 1896, p. 666.