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même qui le crée. Que cette violence suive la voie de la nécessité sociale, qu’elle agisse véritablement en vue des intérêts naturels, tel est le critérium auquel on peut juger que l’État réalise sa mission dans la vie sociale. Toutes les fois que l’on s’écarte de cette conception fondamentale de l’État, toutes les fois qu’on admet l’opinion que l’État peut provenir d’un simple effet de la civilisation, d’un accord pacifique ou de toute autre combinaison de ce genre, on entre en contradiction avec les enseignements de la sociologie et on aboutit à des expériences politiques se terminant de la façon la plus lamentable. »

Évidemment aucun progrès du genre humain n’est imaginable sans la formation de l’État. La formation de l’État est impossible sans la violence, c’est-à-dire sans la guerre, au dire de Ratzenhofer ; donc, encore ici, l’homicide collectif est la cause des progrès du genre humain.

Des gens du métier, passons aux philosophes et, de l’Allemagne, à la France. « Si la sottise, la négligence, la paresse, l’imprévoyance des États n’avaient pour conséquence de les faire battre, dit E. Renan[1], il est difficile de dire à quel degré d’abaissement pourrait descendre l’espèce humaine. La guerre est, de la sorte, une des conditions du progrès, le coup de fouet qui empêche un pays de s’endormir, en forçant la médiocrité satisfaite d’elle-même à sortir de son apathie. L’homme n’est soutenu que par l’effort et la lutte… Le jour où l’humanité deviendrait un grand empire romain pacifié et n’ayant plus d’ennemis extérieurs, serait le jour où la moralité et l’intelligence courraient les plus grands dangers. »

Sans morale et sans intelligence, l’homme ne pourrait faire aucun progrès. Sans la guerre, l’intelligence et la moralité disparaîtraient, au dire de Renan. Ici, de nouveau, la conclusion s’impose : l’homicide collectif est la cause des progrès du genre humain.

  1. La Réforme intellectuelle et morale, Paris, M. Lévy, 1871, p. 111.