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plète, comme entre êtres naturellement antagonistes[1], on se trouve, cependant, en présence d’un phénomène différent. La destruction opérée par les macrophages ressemble plus, par certains côtés, à l’exécution d’un criminel au sein de l’état qu’à l’absorption d’une antilope par un lion. Dans les deux cas, il y a mort totale du vaincu. Mais la résultante de cette mort est différente. La mort totale de la cellule décomposée, comme celle du criminel, aboutit au maintien de l’association. Elle est un acte de justice. Assurément, on ne peut pas employer sans métaphore le terme de justice pour des faits biologiques, lesquels ne passent pas par le canal de la conscience. Mais la justice biologique et la justice sociale, sans être identiques, sont assurément analogues, puisque l’une et l’autre arrivent au même résultat : le maintien de l’association.

On voit donc que certaines formes de luttes sont normales dans les sociétés, lorsqu’elles s’opèrent par des procédés spéciaux amenant le maintien de l’association. Si toutes les luttes aboutissaient à la destruction des associations, celles-ci ne se seraient jamais formées sur le globe. Assurément, les macrophages ne sont pas animés du désir conscient de supprimer les éléments histologiques décomposés pour maintenir la santé de l’organisme entier. Ces macrophages sont aveugles, lisse jettent aussi quelquefois sur des cellules saines. Mais celles-ci, étant fortes, ne se laissent pas entamer. Au contraire, celles qui sont affaiblies succombent. Par le jeu complexe de ces attaques et de ces résistances, l’équilibre général est obtenu et l’organisme reste vigoureux. Dès que l’équilibre est rompu, le processus de dissociation commence et aboutit à la mort. Les mêmes phénomènes se reproduisent à peu près dans les sociétés humaines (mutatis mutandis, bien entendu). Si les peuples savent empêcher les gouvernants d’abuser du pouvoir et si les gouvernants savent obliger les citoyens à ne pas violer les droits de

  1. Le loup et l’agneau, par exemple.