Page:Novicow - La Critique du darwinisme social.pdf/67

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Sans doute la comparaison des luttes par élimination entre les animaux et des luttes humaines se rapproche plus de la vérité que la comparaison des luttes par absorption avec les luttes humaines. Cependant la comparaison de l’élimination avec les luttes humaines est aussi complètement fausse pour une raison d’une importance de premier ordre.

Dans les luttes par élimination, le but est la mort totale des vaincus. Dans les luttes au sein des sociétés animales aussi bien qu’humaines, le but est la mort partielle des vaincus. Cette différence est radicale. Par cette différence il s’établit dans la nature un ensemble immense de phénomènes nouveaux, qui constituent un règne spécial, le règne social.

La mort partielle est tout simplement une diminution de puissance vitale, qui peut comporter des degrés infinis. Quand la résultante de la lutte entre deux êtres n’est pas la mort totale, même différée, du vaincu, mais seulement une certaine diminution de jouissance, le vainqueur et le vaincu peuvent vivre à côté l’un de l’autre pendant la durée normale de leur existence. La substitution de la mort partielle à la mort totale est un des procédés par lesquels la vie sociale s’est organisée dans la nature. Ce procédé n’est pas le seul assurément. On verra au livre suivant qu’il y en a un autre, de beaucoup plus rapide : la coopération. Mais ce qui est certain, c’est que la seule lutte normale possible au sein d’une société est celle qui a pour résultante, non la mort totale du vaincu, mais sa mort partielle. Car si la lutte a pour résultante la mort totale du vaincu, la dislocation de l’association est inévitable. Deux êtres ne peuvent continuer à vivre l’un à côté de l’autre, s’il est conforme à leur nature de s’entre-détruire.

L’échelle des subordinations, dans les sociétés, va de la subordination purement alimentaire à la subordination intellectuelle et sentimentale. Dans l’ordre alimentaire,