Page:Novicow - La Critique du darwinisme social.pdf/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.

suffit de formuler cette proposition pour en saisir immédiatement le ridicule. La première objection et la plus capitale de toutes, c’est que les Allemands et les Danois peuvent s’associer, tandis que le lion et la gazelle ne le peuvent pas de par la nature des choses. Pour s’associer, la première condition est de ne pas se détruire les uns les autres. Or, comment le lion pourrait-il ne pas détruire la gazelle quand cette destruction est la condition même de son existence ?

Mais pour établir cette analogie entre le combat du lion et de la gazelle et celui de l’Allemagne contre le Danemark, les darwiniens doivent tomber dans une erreur encore plus grossière. Par une abstraction de leur esprit, ils font de tous les Allemands comme un seul être égal au lion et de tous les Danois un seul être égal à la gazelle. Mais les faits de la nature ne correspondent pas toujours aux abstractions de nos esprits. Un combat entre l’Allemagne et le Danemark est irréalisable. Il peut se produire un combat entre quelques Allemands et quelques Danois en chair et en os, qui se rangent les uns en face des autres et commencent à se massacrer. Il suffit de se représenter ces faits pour comprendre que les comparaisons des darwiniens ne soutiennent pas un seul instant la critique[1]. Si donc la lutte pour l’existence se poursuit entre sociétés humaines, on comprend qu’elle doit s’accomplir par des procédés qui n’ont rien de commun avec l’absorption physiologique entre individus d’espèces différentes au sein de l’animalité. Il est beau de se lancer dans de magnifiques métaphores, dans de pittoresques images, mais il faut bien comprendre qu’on n’édifie pas la science positive sur d’aussi faibles fondements.

  1. Un autre fait entre mille pour appuyer mon raisonnement. Dans la lutte entre le lion et la gazelle on comprend que la gazelle succombe toujours, si elle est atteinte. Mais un régiment de 1.000 Danois peut parfaitement battre un régiment de 1.000 Allemands, si grande que soit la disproportion totale des forces entre l’Allemagne et le Danemark.