Page:Novicow - La Critique du darwinisme social.pdf/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mentaires qui nous sont indispensables. Je n’ai pas besoin d’exposer ici les innombrables péripéties de cette lutte, allant de la cueillette des fruits sauvages à la confection des mets les plus succulents par les cuisiniers les plus habiles. La nécessité de l’alimentation a donné naissance à une série d’efforts si immense que leur seule énumération demanderait des pages entières (agriculture, chasse, pêche, élève du bétail, manipulation de tout genre. comme la mouture, la salure, la boulangerie, etc.,etc.).Ces efforts sont connus de tous. Il faut encore considérer que la lutte contre le milieu physique se complique d’une manière prodigieuse, entre autres raisons parce qu’elle monte la série des exposants, si l’on peut s’exprimer de cette façon imagée. Elle passe du premier degré au second, puis du cube à la quatrième puissance, et ainsi de suite. L’homme cueille d’abord des fruits et les mange. Puis il peut confectionner des outils pour atteindre les fruits, puis un second outil pour confectionner le premier, puis un four pour fondre les métaux servant à fabriquer les outils, puis une charrette pour transporter le minerai dont sera tiré le métal, et ainsi de suite. Le canal de Suez est aussi, à un certain degré, un outil pour l’homme, mais un outil à la vingtième puissance.

La lutte contre le milieu physique s’appelle production économique, en langage usuel. Cette lutte est de toutes les minutes et de toutes les secondes. La disproportion est tout simplement énorme entre les journées de travail consacrées à cette lutte contre l’ambiance et les journées de travail consacrées à la lutte entre hommes. Certains peuples, les Suédois, par exemple, n’ont eu ni guerre étrangère, ni guerre civile depuis près d’un siècle. Le nombre des journées consacrées par eux à combattre leurs semblables a été de zéro pendant cette période. Mais le nombre des journées consacrées à la lutte contre le milieu a dû s’élever, en un siècle, à 109.500.000.000, au plus bas mot[1].

  1. Vers 1808, la Suède avait près de trois millions d’habitants ; en 1909, elle en avait cinq. On peut donc considérer qu’en moyenne elle en a eu au XIXe siècle, quatre millions. En défalquant un million pour les enfants et les malades, on a trois millions de travailleurs pendant 36.500 jours (un siècle), soit le nombre de journées de travail donné dans le texte.