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saper. Alors, pour trouver une base rationnelle à ces institutions, on les projette dans le passé. On dit qu’elles correspondent à la nature de l’homme et, qu’ayant été indispensables, elles ont été bienfaisantes à leur époque. De cette façon, on les justifie. La société anglo-saxonne des États-Unis ne peut pas ne pas éprouver de remords pour deux de ses actes les plus répréhensibles : l’extermination des Peaux-Rouges et l’esclavage des noirs. Alors un certain nombre de publicistes et de sociologues américains penchent inconsciemment vers des doctrines qui font de l’extermination des races soi-disant inférieures et de l’esclavage la condition première des progrès du genre humain.


Un autre roman anthropologique, très à la mode de notre temps, est celui de la prétendue hostilité fondamentale des hordes primitives de l’humanité.

« L’homme, dit Ratzenhofer[1], étant un animal sociable, se sent uni par la sympathie du sang à son groupe originaire, mais, lorsqu’il vient en contact avec un homme d’une autre horde, alors les deux individus, conscients d’appartenir à deux communautés différentes, tombent l’un par rapport à l’autre dans l’épouvante et la terreur. Alors ils se tuent ou se dérobent par la fuite à tout rapport commun. De même deux hordes qui entrent en relation tombent dans l’épouvante et la fureur par suite de l’inimitié du sang. Alors elles se précipitent l’une sur l’autre dans un combat d’extermination ou bien elles se fuient pour éviter tout contact. » Puis, dans un ouvrage plus récent[2], Ratzenhofer dit encore : « Les rapports pacifiques entre les sociétés ont été longtemps impossibles. Ceux des groupes qui appartenaient à des races et à des civilisations différentes ressentaient tout contact comme douloureux. Quand les sociétés avaient des habitats voi-

  1. Wesen und Zweck der Politik, Leipzig, Brockhaus, 1893, t. Ier, p. 9.
  2. Sociologische Erkentniss, p. 288.