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sistances, c’est uniquement parce qu’il n’a pas voulu en produire, car les ressources du globe sont pour ainsi dire illimitées. Les hommes ne furent donc pas poussés « à lutter pour l’existence » parce que les produits se faisaient rares. Ils luttèrent seulement parce qu’ils ne voulurent pas produire, eux-mêmes, des subsistances qui auraient été aussi abondantes qu’ils l’auraient désiré.

Ratzenhofer s’imagine qu’à un certain moment la lutte pour l’existence (c’est-à-dire le combat entre les hommes) est devenue une nécessité inéluctable, imposée par la nature. C’est complètement faux. Cette fameuse lutte pour l’existence a commencé seulement par suite d’une idée, née dans les cerveaux humains, qui faisait considérer la spoliation comme plus avantageuse que la production. Vers l’époque quaternaire, le nombre des hommes sur le globe entier ne dépassait peut être pas deux ou trois millions. Si la planète offre assez de subsistances à un milliard et demi d’habitants, comment peut-on affirmer que les hommes du quaternaire ont été poussés à la lutte faute de pouvoir tirer de la terre une somme de subsistances infiniment inférieure à celles qu’ils en tirent aujourd’hui ?

D’autres objections se présentent en foule à l’esprit pour réfuter les abstractions de Ratzenhofer.

L’accroissement de la population est extrêmement faible à l’époque sauvage, parce que la mortalité est alors effrayante[1]. Nous avons maintenant des statistiques exactes et nous savons d’une façon précise si la population augmente ou diminue. Mais, à l’époque quaternaire, il n’en était pas ainsi. L’homme, pendant de longues et de longues périodes, ne s’est pas aperçu de l’accroissement de la population[2]. Il n’est donc venu aucun moment où une

  1. C’est à peine si la population des Îles Britanniques a doublé du xie au xvie siècle. On peut s’imaginer avec quelle lenteur elle augmentait à l’époque quaternaire.
  2. Les auteurs romains ne se sont jamais préoccupés du problème de la surpopulation. Ils ont constaté seulement le dépeuplement de certaines régions.