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rent, et la population ne s’accroît pas. Imaginez qu’un pays produise 100.000 noix de coco et qu’il faille, par hypothèse, 100 noix par an pour nourrir un homme. Ce pays pourra nourrir 1.000 habitants[1]. Toutes les naissances qui dépasseront ce nombre seront accompagnées d’un nombre correspondant de morts qui rétabliront l’équilibre. Pourquoi ne voit-on jamais les singes se multiplier au delà des subsistances disponibles ? Justement parce que ceux qui dépassent cette limite meurent. Affirmer donc que les produits alimentaires se faisaient plus rares par suite de l’accroissement de la population est une pure contradiction et un non-sens. Ou plutôt, si l’on veut, c’est une erreur de perspective, c’est une néfaste confusion des faits zoologiques et des faits sociaux. Grâce à son intelligence supérieure, l’homme peut augmenter ses subsistances dans une mesure illimitée. Vienne alors une série de circonstances adverses, vienne une diminution de la production, les subsistances peuvent manquer. Mais c’est seulement par suite de ce qu’elles ont été auparavant abondantes qu’on s’aperçoit du déficit. Or, à l’époque primitive où l’homme, comme l’animal, ne multipliait pas artificiellement ses subsistances, les produits alimentaires n’ont pas manqué par suite de l’accroissement de la population, par la raison toute simple que cette population se proportionnait aux ressources offertes par la nature. C’est seulement à partir du moment où l’homme a su produire artificiellement des subsistances qu’elles ont pu ne pas correspondre momentanément au nombre des bouches à nourrir. Or, cela n’est pas arrivé à l’époque primitive, mais beaucoup plus tard, peut-être deux ou trois cent mille ans plus tard. Et, chose plus importante encore, à partir de ce moment (celui où l’homme a su augmenter ses subsistances artificiellement), si l’homme a manqué de sub-

  1. Le lecteur comprend bien qu’en donnant cet exemple je n’oublie pas un seul instant la prodigieuse complexité des phénomènes sociaux. Mon exemple est réduit à une simplicité extrême, uniquement pour expliquer plus clairement ma pensée.