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partout autour de nous. Mais alors on doit affirmer, en même temps, que l’antagonisme existe et n’existe pas ! C’est une pure contradiction. Comment sortir de cette difficulté ? D’une façon très simple : il n’y a pas d’opposition d’intérêt entre l’individu et la collectivité, il y en a seulement entre ce qui paraît être l’intérêt de l’individu et ce qui est réellement cet intérêt. Il nous semble voir un antagonisme entre l’individu et la société, parce que nous voyons faux. Si nous voyions la vérité, cet antagonisme imaginaire disparaîtrait immédiatement. L’opposition n’est pas entre les intérêts, elle est, en dernière analyse, entre l’erreur et la vérité. Ce qui est dit des rapports entre individus et collectivités peut se répéter également pour les rapports entre individus[1]. Il s’établit un antagonisme réel entre Pierre et Paul seulement à partir du moment où Pierre veut faire une chose contraire à son propre intérêt, donc seulement à partir du moment où Pierre veut faire une chose qu’il peut croire conforme à son intérêt, mais qui ne l’est pas en réalité. Aussi longtemps que les hommes veulent faire des choses conformes à leur intérêt réel, il ne peut pas y avoir d’antagonisme entre eux au point de vue social. Et cela, parce que, selon les lois de la nature, l’association augmente l’intensité vitale des unités composantes. Ce serait seulement dans le cas où l’association n’augmenterait pas l’intensité vitale de l’individu qu’il pourrait y avoir un antagonisme réel entre les individus au sein de l’association[2].

Combien n’a-t-on pas tourné en ridicule, dans nos temps de socialisme outrancier et de syndicalisme violent, le « bon » Bastiat, venant développer l’idylle des « harmonies économiques ». Cependant Bastiat n’était ni aussi superficiel ni aussi idéaliste qu’on veut bien l’affirmer. Il

  1. En réalité, ces deux rapports n’en font qu’un seul. Le rapport entre l’individu et la collectivité se ramène à un rapport entre un individu et un grand nombre de ses semblables.
  2. Bien entendu, il ne s’agit pas ici des associations coercitives, qui peuvent être funestes.