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LE DISCIPLE

et leur cours. Il regardait sans cesse dans l’océan de l’air, et ne se lassait point d’admirer sa clarté, ses mouvements, ses nuages, ses lumières. Il rassemblait des pierres, des fleurs, des insectes de toute espèce, et les plaçait de mille façons diverses, en ligne devant lui. Il examinait les hommes et les animaux. Il s’asseyait au bord de la mer et y cherchait des coquillages. Il écoutait attentivement son cœur et ses pensées. Il ne savait où son désir le poussait. Lorsqu’il fut plus âgé, il erra par le monde, visita d’autres terres, d’autres mers, d’autres cieux. Il vit des rocs nouveaux, des plantes inconnues, des animaux, des hommes. Il descendit en des cavernes et sut de quelles stratifications variées était formé l’édifice de l’Univers. Il façonna l’argile en étranges figures de rochers. Peu à peu, il rencontra partout des objets qu’il connaissait déjà, mais ils étaient étrangement mêlés et appariés, et ainsi, bien souvent, d’extraordinaires choses s’ordonnaient d’elles-mêmes en lui. Il remarqua bientôt les combinaisons qui unissaient toutes choses, les conjonctures, les coïncidences. Il ne tarda pas à ne plus rien voir isolément. En grandes images variées se pressaient les perceptions de ses sens. Il entendait, voyait, touchait et pensait en même temps. Il aimait à réunir des choses étrangères. Tantôt les étoiles lui semblaient des hommes, tantôt les hommes des étoiles, les pierres des animaux, les nuages des plantes. Il jouait avec les forces et les phénomènes. Il savait où et comment ceci et cela pouvait se trouver et apparaître et cherchait ainsi sur les cordes, des sons et des chants qui ne fussent qu’à lui seul.