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FRAGMENTS

même que sa vie est philosophie réelle, sa philosophie est vie idéale, théorie vivante de la vie. Des faits accidentels naissent des expériences systématiques. Son chemin lui est maintenant tracé pour toujours. Son occupation est l’élargissement infini de son être. Le rêve de sa jeunesse est une belle réalité. Ses espoirs et ses pressentiments d’autrefois sont devenus des prophéties symboliques. La contradiction apparente du problème originel — solution et non solution à la fois — prend absolument fin.

La fable est le summum de la reproduction poétique et populaire, de la philosophie de la première période, ou de la philosophie dans l’état naturel des philosophèmes isolés, de la première culture ou formation. Ce n’est pas de la poésie pure et originale, mais de la poésie artificielle, de la philosophie devenue poésie. Elle n’appartient pas aux beaux-arts. Elle est technique, image de l’intention, conductrice vers un but. De là, l’arbitraire voulu dans le choix de sa matière, — une matière forcée trahit l’intention, le plan d’un être intelligent. L’homme se sent contraint d’ajouter une pensée supplémentaire à ce phénomène. Pour se faire facilement comprendre, l’inventeur a lui-même inventé une aventure qui, simplement imaginée pour cet usage, éveillera en l’auditeur, rapidement et sans malentendu, la pensée proposée. Peut-être a-t-il dépensé bien de la peine pour tirer ce résultat des aventures impures et mêlées qu’il a