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INTRODUCTION

voyageur qui n’a pas pénétré le langage du pays où il passe. Car une âme a beau faire, elle est la sœur de la douleur ou de la joie, et les événements n’y peuvent rien changer. Lorsque mourut sa petite fiancée, la seule femme qu’il aima véritablement, sa vie sembla brisée. Il ne fit plus que pleurer rêveusement sur une tombe. Mais à quel endroit de son œuvre mourut-elle ? Il est bien difficile de le dire ; et, malgré toutes ses larmes, l’angélique optimisme de sa vie ne put pas s’assombrir ; tant il est vrai que l’on sait peu de choses des lois de l’âme et que notre existence n’a point d’action sur elle. Au reste, il ne s’occupe pas de lui-même ni de rien qui soit assuré. Il vit dans le domaine des intuitions erratiques, et rien n’est plus ondoyant que sa philosophie. Son mysticisme est plutôt, pour me servir d’une expression qu’il aime et qu’il emploie souvent lorsqu’il parle de sa science, « un idéalisme magique ». Il lui semble que rien n’est plus à la portée de l’esprit que l’infini et c’est pourquoi il n’entre presque jamais dans les champs ordinaires de la pensée humaine. Il ne parcourt que les frontières de cette pensée, mais il les parcourt presque toutes.

Chez la plupart des mystiques que nous connaissons, le mysticisme est psychologique ; c’est-à-dire qu’il s’attache à une sorte de