Page:Novalis - Les Disciples à Saïs, 1914, trad. Maeterlinck.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
146
FRAGMENTS

des pierres des végétations. Est-ce que chaque plante ne correspondrait pas à une pierre et à un animal ? Les plantes sont des pierres mortes, les animaux des plantes mortes…

La nature deviendra morale ; nous sommes les maîtres qui l’instruisent, ses tangentes morales, ses charmes moraux. — La moralité peut-elle, comme l’esprit, être objectivée et organisée ?

L’idéal de la moralité n’a pas de rival plus dangereux que l’idéal de la force suprême, de la vie plus puissante, qu’on a nommé aussi (au fond très justement, mais, dans le sens qu’on y attachait, très faussement) l’idéal de la grandeur esthétique. C’est le maximum du barbare ; et il a malheureusement, en ces temps de culture égarée, fait un grand nombre de prosélytes, justement parmi les plus débiles. Par cet idéal, l’homme devient un esprit-brute, un mélange, dont l’esprit brutal a précisément pour les faibles une brutale puissance d’attraction.

La nature sera morale, lorsque par amour véritable pour l’art, elle se donnera à l’art, fera ce que veut l’art. Et l’art sera moral, lorsque par amour véritable pour la nature, il vivra pour la nature, et travaillera avec elle. Il faut que tous deux le fassent en même temps, par leur propre choix, pour eux-mêmes, et par le choix d’autrui,