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xv
INTRODUCTION

sommes pas cela ! et je crois que notre âme irait mourir de honte au fond de notre chair, parce qu’elle n’ignore pas que ses trésors visibles ne sont pas faits pour être ouverts aux yeux des étrangers et ne contiennent que des pierreries fausses. Le plus humble d’entre nous, aux instants solitaires où il sait ce qu’il faut que l’on sache, se sent le droit de se faire représenter par autre chose qu’un chef-d’œuvre. Nous sommes des êtres invisibles. Nous n’aurions rien à dire à l’envoyé céleste et rien à lui faire voir, et nos plus belles choses nous paraîtraient subitement pareilles à ces pauvres reliques familiales qui nous semblaient si précieuses au fond de leur tiroir et qui deviennent si misérables lorsqu’on les sort un instant de leur ombre pour les montrer à quelque indifférent. Nous sommes des êtres invisibles qui ne vivent qu’en eux-mêmes, et le visiteur attentif s’en irait sans se douter jamais de ce qu’il eût pu voir, à moins qu’en ce moment notre âme indulgente n’intervienne. Elle fuit si volontiers devant les petites choses, et l’on a tant de peine à la retrouver dans la vie, qu’on a peur de l’appeler à l’aide. Et, cependant, elle est toujours présente et jamais ne se trompe ni ne trompe une fois qu’elle est mise en demeure. Elle montrerait à l’émissaire inattendu les mains jointes de l’homme, ses yeux si pleins de