Page:Novalis - Les Disciples à Saïs, 1914, trad. Maeterlinck.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
114
FRAGMENTS

de la troisième partie, les confessions viennent tranquilliser le lecteur. L’espèce de surintendance de l’abbé est importune et comique. La tour du château de Lothaire est une grosse contradiction. Les muses deviennent des comédiennes et la poésie joue à peu près le même rôle que dans une farce. On peut se demander ce qui perd le plus au change, de la noblesse qui a été prise pour la poésie ou de la poésie qui a été représentée par la noblesse. L’introduction de Shakespeare produit un effet presque tragique. Le héros retarde l’entrée de l’Évangile de l’économie et la nature économique est enfin la seule vraie, la seule qui demeure.

Lorsqu’on parle de préméditation et d’art à propos des œuvres de Shakespeare, on ne doit pas oublier que l’art appartient à la nature, est, en quelque sorte, la nature qui se contemple, s’imite et se reproduit elle-même. L’art d’une nature bien développée est en effet très différent de l’artifice de l’intelligence, de l’esprit simplement raisonnant. Shakespeare n’était pas un calculateur, un savant, c’était une âme puissante, aux forces variées, dont les sensations et les œuvres, comme des produits de la nature, portent l’empreinte d’un esprit pensant ; et dans lesquelles, le dernier venu des observateurs sagaces découvrira encore de nouvelles concordances avec l’édifice infini de l’univers, des rencontres avec des idées postérieures, des parentés avec les forces et les sens supérieurs de l’humanité.