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FRAGMENTS



Il faut que notre âme soit de l’air, puisqu’elle a la notion de la musique et s’y complaît. Le son est substance d’air, âme d’air ; le mouvement propagateur de l’air est une affection de l’air par la note. Et la note renaît dans l’oreille.

La voix humaine est à la fois le principe et l’idéal de la musique instrumentale. Est-ce en général le corps ou l’air qui résonne ? Le fluide élastique n’est-il pas la voyelle et le corps la consonne ? l’air est-il le soleil, et les corps sont-ils les planètes ? l’un, la première voix, et les autres la seconde ? — Toute méthode est rythme ; si l’on possède le rythme on possède l’univers. Tout homme a son rythme individuel. L’algèbre est la poésie. Le sens rythmique, c’est le génie.

La musique parle une langue universelle, par laquelle l’esprit est excité librement et sans but. Elle lui fait un tel bien, lui est si connue et si familière, qu’en ces courts instants il lui semble qu’il se trouve dans sa patrie. Tout ce qui est amour et bonté, passé et futur, s’élève en lui, en même temps que l’espoir et le désir. Notre langue, à l’origine, était bien plus musicale ; ce n’est que peu à peu qu’elle s’est ainsi prosaïsée et assourdie. Elle est devenue un simple bruit, un son, s’il est permis d’avilir ainsi ce mot très beau. Il faut qu’elle redevienne un chant.