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FRAGMENTS

La peinture forme déjà transition. La sculpture est la fixité et la musique la fluidité en images.


Il y a des espèces particulières d’âmes et d’esprits qui habitent les arbres, les paysages, les pierres et les images. Il faut considérer un paysage comme une Dryade ou une Oréade. Il faut que l’on sente un paysage comme on sent un corps. Chaque paysage est un corps idéal pour un genre particulier de l’esprit.


Ce ne sont point les couleurs variées, les sons joyeux et l’air tiède qui nous exaltent ainsi au printemps ; c’est le tranquille esprit prophétique d’espérances infinies, un pressentiment de nombreux jours heureux, la présence féconde de tant de multiples natures, le présage de fleurs et de fruits éternels et sublimes, et l’obscure sympathie avec l’univers qui s’épanouit dans la joie.


Toute forme artistique, tout caractère imaginé a plus ou moins de vie, de droit à la vie et d’espoir de vivre. Les musées sont les dortoirs de mondes à venir. L’historien, le philosophe et l’artiste du monde futur sont ici chez eux — ils se forment ici et vivent pour ce monde-ci. Celui qui est malheureux en ce monde, celui qui ne trouve pas ce qu’il cherche ; qu’il aille dans le monde des livres et de l’art, dans la nature éternellement antique et moderne en même temps,