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INTRODUCTION

qu’elle l’ignore ; et dès lors à quoi sert d’en parler ? Il faut laisser ces petites choses à ceux qui ne sentent pas que la vie est profonde. Si j’ai lu La Rochefoucauld ou Stendhal ce matin, croyez-vous que j’aie acquis des pensées qui me font homme davantage et que les anges dont il faut s’approcher jour et nuit me trouveront plus beau ? Tout ce qui ne va pas au-delà de la sagesse expérimentale et quotidienne ne nous appartient pas et n’est pas digne de notre âme. Tout ce qu’on peut apprendre sans angoisse nous diminue. Je sourirai péniblement si vous parvenez à me prouver que je fus égoïste jusque dans le sacrifice de mon bonheur et de ma vie ; mais qu’est-ce que l’égoïsme au regard de tant d’autres choses toutes-puissantes que je sens vivre en moi d’une vie indicible ? Ce n’est pas sur le seuil des passions que se trouvent les lois pures de notre être. Il arrive un moment où les phénomènes de la conscience habituelle, qu’on pourrait appeler la conscience passionnelle ou la conscience des relations au premier degré, ne nous profitent plus et n’atteignent plus notre vie. J’accorde que cette conscience soit souvent intéressante par quelque côté, et qu’il soit nécessaire d’en connaître les plis. Mais c’est une plante de la surface, et ses racines ont peur du grand feu central de notre être. Je puis commettre un