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FRAGMENTS

rituel et très matériel, et la passion la plus ardente est possible. Le génie n’est peut-être autre chose que le résultat d’un pareil pluriel intérieur. Les secrets de ce commerce sont encore fort obscurs.

Les souhaits et les désirs sont des ailes. Il y a des souhaits et des désirs qui sont si peu en rapport avec notre existence terrestre, que nous pouvons, avec certitude, en conclure une vie où ils deviendront des ailes puissantes, un élément qui les soulèvera et des îles où ils pourront s’abattre…

N’y aurait-il pas en nous une puissance qui jouerait ici le même rôle que ce qu’il y a de meilleur hors de nous : l’éther, cette matière visible-invisible ; la pierre philosophale qui est partout et nulle part, qui est tout et qui n’est rien ? Nous l’appelons instinct ou génie, elle est partout présente, elle est la plénitude de l’avenir, la plénitude des temps en général ; c’est-à-dire qu’elle est au temps ce que la pierre philosophale est à l’espace ; la [raison, la fantaisie, l’intelligence, le sentiment ne sont que ses fonctions particulières.

Le génie est en quelque sorte l’âme de l’âme, une relation entre l’âme et l’esprit. On peut, avec raison, appeler idole le substratum ou schéma du génie. L’idole est un analogue de l’homme.