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FRAGMENTS

cet élément, modifier et diriger nos sens selon notre bon plaisir. Déjà le peintre, dans une certaine mesure, a l’œil en son pouvoir, le musicien l’oreille, le poète l’imagination, l’organe de la parole et les sensations (ou plutôt il a déjà en son pouvoir un grand nombre d’organes dont il réunit l’action sur l’organe de la parole). Le philosophe a l’organe absolu ; ils en usent à volonté et par eux se représentent les mondes spirituels. Le génie n’est autre chose que l’esprit appliqué à l’usage actif des organes. Jusqu’ici nous n’avons eu que du génie particulier ; il faut que l’esprit devienne génie total.

De la même manière que nous transformons en paroles les mouvements de l’organe de la pensée, que nous les exprimons par des gestes, que nous les imprimons en nos actes, de la même manière que nous nous mouvons et que nous nous arrêtons à volonté, que nous unissons et séparons nos mouvements ; de la même manière il faut que nous apprenions aussi à arrêter, à réunir et à séparer les organes intérieurs de notre corps. Tout notre corps peut absolument être mis en mouvement par l’esprit. Les effets de la crainte, de la terreur, de la tristesse, de l’envie, de la colère, de la honte, de la joie, de la fantaisie, etc., sont des indications suffisantes. En outre, on a suffisamment d’exemples d’hommes qui ont acquis un pouvoir arbitraire sur certaines parties de leur corps habituellement soustraites à la volonté. Alors, tout homme sera son propre