Page:Novalis - Les Disciples à Saïs, 1914, trad. Maeterlinck.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
51
LA NATURE


que les autres et demeurèrent toute leur vie dans l’obscurité de la foule. Il faut même regarder comme un fait très rare de trouver la véritable intelligence de la Nature unie à une grande éloquence, à de l’habileté et à une vie remarquable ; car d’ordinaire des mots très simples l’accompagnent et des apparences frustes et négligeables. C’est dans l’atelier de l’ouvrier et de l’artiste, et là où les hommes sont en relations et ont à lutter de mille manières avec la Nature, dans les travaux des champs, des mines et ceux de la navigation, dans l’élevage des bestiaux et dans beaucoup d’autres métiers, que le développement de ce sens a lieu le plus facilement et le plus fréquemment. Si tout art consiste dans la connaissance des moyens à employer pour atteindre un but qu’on s’est proposé, dans la connaissance de ce qu’il faut faire pour produire tel effet ou tel phénomène, et dans l’habileté à choisir et à utiliser ces moyens, il faut que celui qui se sent intérieurement appelé à faire partager à un grand nombre d’hommes l’intelligence de la Nature, et à cultiver et à développer, avant tout, ces aptitudes de leurs âmes, il faut, dis-je, qu’il prête une grande attention aux occasions naturelles de ce développement et qu’il cherche à apprendre les éléments de cet art de la Nature. Grâce à ce qu’il aura appris de la sorte, il se formera un système qui lui permettra d’appliquer cette science à tout individu, système fondé sur l’expérience, l’analyse et la comparaison. Il s’assimilera ce système jusqu’à ce qu’il lui soit devenu comme une seconde nature, et alors il pourra