Page:Novalis - Les Disciples à Saïs, 1914, trad. Maeterlinck.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
47
LA NATURE

qu’il l’étudie, et prend plaisir à sa complexité infinie, et à ses joies inépuisables. Il ne demande pas que l’on vienne troubler sa jouissance par des mots inutiles. Il lui semble plutôt qu’on ne peut agir assez secrètement avec elle, qu’on n’en peut parler trop discrètement, et qu’on ne peut la contempler avec une attention et un calme trop grands. Il se sent en elle, comme s’il reposait sur le sein d’une fiancée chaste, et ce n’est qu’à elle aussi, qu’aux douces heures confidentielles, il livre le fruit de ses recherches. Il est heureux ce fils, ce favori de la Nature, à qui elle permet de la contempler en sa dualité, sous la forme d’une force mâle et femelle, et en son unité, sous la forme d’un hymen éternel et sans fin. Sa vie sera une plénitude de toutes les jouissances, une chaîne de voluptés, et sa religion sera le véritable et essentiel naturalisme.

Durant ce discours, le Maître et ses disciples s’étaient approchés de leur groupe. Les voyageurs se levèrent et le saluèrent avec respect. Une douce fraîcheur se répandit, au fond des allées pleines d’ombres, sur la place et sur les degrés de l’édifice. Le Maître fit apporter une de ces pierres étrangement lumineuses que l’on nomme escarboucles, et une clarté rouge et puissante se déversa sur les formes et les vêtements divers. Une agréable sympathie ne tarda pas à naître. Tandis qu’une musique lointaine se faisait entendre, et qu’une flamme rafraîchissante, versée des coupes de cristal, prolongeait ses clartés entre les lèvres de ceux qui parlaient, les étrangers racontaient les événements remarquables