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LA GAGEURE


» Moi, avec cette humilité qui nous sert à tromper
» Les niais, à nous autres quêteurs,
» Pendant que nous envoyons faire foutre
» En secret quiconque nous refuse ses bienfaits,
» Je demandai à ce traître lit et pitance,
» Par les mérites de notre père Saint François.

» — Saint François ! cria-t-il, joli mot !
» C’est avec cela que vous escroquez allègrement
» Et assouvissez les appétits de votre gueule,
» Sans rien vouloir faire en ce monde ;
» Cette corde et ce sayon rustique
» Sont la vraie livrée du fainéant. —

» Alors moi, en nasillant, et le cou tors,
» Je lui dis : — Ah ! signor, ne soyez pas si cruel !
» On me trouvera mort dans le bois voisin,
» Si à cette heure et par ce temps vous me chassez ;
» Je dormirai dans l’écurie ou dans le grenier à foin,
» Et même, si vous le voulez, dans l’étable à porcs. —

» Il remua la tête, réfléchit un instant,
» Marmotta entre ses dents, mais je ne compris pas,
» Puis il dit : — Je te donnerai à souper et à coucher,
» Mais faisons d’abord nos conventions.
» As-tu de l’argent dans ta poche ? — Oui, signor,
» Répondis-je ; il répliqua : — Sors-le. —

» Tout en parlant ainsi, il déposa vite
» Dix sequins sur une petite table :
» — Sortez-en autant, mon petit père,
» Dit-il, et que le premier d’entre nous qui s’oubliera
» À dire des paroles obscènes, déguerpisse,
» Perde son argent et couche sur la route. —