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ELVIRA


Bien qu’en Ramiro il eût grande confiance,
Parce qu’il le savait ennemi du sexe,
Il voulut cependant, et en cela point ne fut sot,
Mettre à ses trousses un espion attitré ;
Car, comme dit le proverbe, l’occasion
Fait de l’honnête homme un larron.

Ricotta (ainsi se nommait l’officier),
Voyant la Reine en colère,
Ne la jugea pas comme ces esprits vulgaires,
Qui décident de tout sans réflexion ;
Mais il crut cette colère une ruse superfine
Destinée à cacher sa faute.

« Elle veut, » se dit-il en lui-même, « faire oublier
» L’aventure scandaleuse du bois.
» Certainement elle s’est fait tambouriner ;
» Maintenant elle cache sa passion au fond du cœur,
» Et veut nous jeter de la poudre aux yeux,
» Mais, jarnidieu ! nous ne sommes pas des niais. »

En conséquence, il écrivit au Roi une belle épître
Dont la teneur était la suivante :
« Majesté, que le ciel envoie chancre et fistule
» À Ricotta, votre humble serviteur,
» Et infligez-lui le châtiment le plus sévère,
» S’il ne vous dit pas sur ce papier la vérité.

» Sachez que Ramiro est un fameux vaurien :
» Il est parvenu à séduire votre femme,
» Elle est devenue sa maîtresse,
» Et quoi qu’elle fasse mine de l’avoir en horreur,
» Elle l’a rendu, à l’heure qu’il est, maître de son domaine.
» Votre serviteur et sujet, — Ricotta. »