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ELVIRA


Il dit, et se découvre entièrement… Ah ! l’affreux coup d’œil !
Il n’avait plus ni mirliton, ni grelots !
Pensez si Elvira fut désolée !
Sur le lit elle tomba à plat ventre
En criant : « Ô ciel ! qui jamais aurait pu prévoir
» Male chance si extraordinaire et si cruelle ?

» Adieu, mon cher Ramiro, dormez bien,
» Je ne vous ôte pas pour cela mon estime ;
» En dépit de mes affreux tourments,
» Vous me paraissez toujours le galant homme de jadis. »
Elle dit, et retourna furieuse dans sa chambre,
Où elle passa toute la nuit à blasphémer.

L’histoire dit que depuis cet instant
Ramiro lui parut un homme horrible,
Un vilain, une bête, un rustre, un ignorant ;
Et sa haine pour lui fut si visible,
Que les valets de cuisine même s’en aperçurent
Avant d’arriver au temple de Saint Toto.

Quand les courtisans furent bien persuadés
Que la Reine avait Ramiro dans le cul,
Ils firent mille vaines suppositions,
Mais personne ne put découvrir la vérité.
L’un disait : « Ramiro a le mal Français, »
Et l’autre : « Il a le mirliton trop petit. »

Alvaro, en laissant partir sa femme,
Avait donné l’ordre à un officier
Qui, longtemps nourri dans les Cours,
N’avait pas son égal en astuce,
De lui faire un rapport très exact
De tout ce qui pourrait arriver.