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ELVIRA


Après souper, ils se souhaitèrent bonne nuit,
Et chacun s’en alla dormir :
« Dieu protecteur des ébats amoureux ! »
Se mit à dire alors Elvira,
« Assiste-moi dans cette nouvelle tentative,
» Échauffe ce cœur de glace, ou je ne vis plus ! »

Elle attendit qu’il se fût mis au lit,
Et, le sein brûlant d’une ardeur effrénée,
Elle entra dans la chambre où le pauvre homme
Appelait le sommeil et l’appelait en vain ;
Car il avait le cœur brisé de repentir,
De s’être fait cette terrible opération.

Aussitôt elle s’élança sur lui
Et lui couvrit de baisers la poitrine et les joues.
Ramiro fait tous ses efforts,
Il se détourne, il se débat, il se dégage,
Mais en faisant ainsi, il irrite les désirs
De la Reine qui l’embrasse plus étroitement.

Elle éclate enfin : « Dis-moi, cruel, qui es-tu ?
» Un tigre ? un lion ? un tronc d’arbre ? un rocher ?
» Ne devines-tu pas mes désirs ?
» Le martyre de mon pauvre cœur ne t’émeut-il pas ?
» Tu me refuses ton amour ! Eh quoi ? veux-tu voir,
» Orgueilleux, une Reine à tes pieds ? »

— « Elvira, » répondit alors Ramiro,
« Le ciel sait si je voudrais te complaire,
» Le ciel sait si ce cœur meurtri t’adore,
» Mais je n’ai plus mon outillage.
» — Comment ? que dis-tu ? Peut-être… — Ah ! pardonnez ! »
S’écria Ramiro, « et voyez mon malheur ! »