Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
ELVIRA


Aussitôt accoururent pages, chambellans,
Femmes de chambre, dames de la Cour,
Lesquels, entendant ces appels désespérés,
Crurent qu’Elvira se mourait.
Ils la trouvèrent sans connaissance sur le gazon,
Avec ses jupes relevées à mi-corps.

L’un lui jette de l’eau à la figure,
Un autre demande à Ramiro ce qui est arrivé,
On met sous le nez de la Reine de l’eau de senteur,
On lui fait avaler des gouttes d’élixir ;
Quelques-uns rient et se disent entre eux :
« Le Duc est trop bien monté. »

La Reine finit par reprendre connaissance,
Encore qu’elle ne l’eût jamais perdue ;
Elle rendit grâces à tout ce monde empressé
Qui était venu pour lui porter secours,
Tourna sur Ramiro des yeux irrités,
Et remonta en voiture avec lui.

Après une pareille épreuve, n’importe quelle dame
Aurait dit : « Qu’il s’en aille au diable ! »
Mais Cupidon était si bien maître de l’âme d’Elvira,
Qu’elle se souciait du point d’honneur comme d’un radis.
Elle médite un nouvel assaut
Et se prépare à une bataille décisive.

Ils arrivèrent le soir à l’hôtellerie du Tondo.
La Reine soupa avec le favori
Dont la conversation vive et enjouée
Accrut dans son cœur le lubrique appétit.
Ramiro, bigotisme à part,
Était un homme aimable et spirituel.