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ELVIRA


Ramiro, aussi insensible qu’une pierre,
Rattacha le bas de sa royale maîtresse ;
Bien que, la tête baissée, il sentît le parfum
Qui doucement s’exhale du palais d’amour,
Ce parfum sur son nez fit autant d’effet
Qu’un pauvre petit zéphir sur un rocher des Alpes.

La Reine perdit patience,
Et se dit en elle-même : « Quel imbécile est-ce là ? »
Cependant, elle ne voulut céder à la colère
Et persista à le croire trop timide ;
Jusqu’au moment où, près d’un bois plein d’ombre,
Elle le fit descendre avec elle de voiture.

Elle lui prit le bras et voulut faire
Avec lui dans le bois une partie de promenade ;
Elle fit rester tous ses gens derrière,
Et foulant la tendre herbette,
Avec le favori pénétra plus avant,
Parmi ces futaies hautes et touffues.

Alors, sous le prétexte d’un accident
Qui arrive souvent aux femmes : « Ah ! que je souffre ! »
Dit-elle, « à l’aide, Ramiro ! » et incontinent
Elle se laissa choir à terre de telle sorte,
Que sa jupe lui couvrit le visage
Et laissa voir de ses cuisses la gentille entaille.

Cela voulait dire en bon Toscan :
« Allez-y, mon cœur, me voici. »
Mais que pouvait ce pauvre Chrétien
Sans l’oiseau ? Il ne comprit pas ou fit semblant,
Et il se mit à crier : « Eh ! du monde ! par ici !
» Sa royale Majesté se trouve mal ! »