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ELVIRA


Après les cérémonies et compliments
Qu’il est d’usage de faire en pareille circonstance,
Après avoir mille fois embrassé son mari,
Et tout en versant, par ci par là, de grosses larmes,
La Reine monta en carrosse et, près d’elle,
Fit asseoir son chevalier mutilé.

Muse, quel art employa la Reine
Pour dompter le cœur glacé de Ramiro,
Que de moyens divers elle imagina pour le tenter,
Comment elle sut, même en se taisant, le requérir d’amour,
Dis-le moi ; dis-moi comment elle en vint au grand point
De lui dire clairement : « Mets-le moi. »

Elle commença par lui faire bon visage
Et le regarder en dessous de gentille façon ;
Puis sa figure s’éclaira d’un si aimable sourire,
Qu’il sembla que la voûte céleste s’ouvrît ;
Elle lui serra le pied, comme par accident, et puis
Se fit serrer le sien, sans crier : Aïe !

Elle laissa tomber sa main sur la sienne,
Elle lui demanda s’il avait fait l’amour
Dans sa vie, comme tout bon Chrétien
Doit le faire, quand il a un cœur dans la poitrine ;
Puis elle le regarde d’un œil alangui,
Elle devient rouge, elle palpite, elle soupire.

Pendant ce temps Ramiro, comme une fillette
À peine sortie du couvent,
Se tient modeste et ne comprend rien du tout ;
Il ne répond pas à des paroles si engageantes ;
La Reine croit que c’est timidité,
Et toujours de plus près elle le serre, le caresse.

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