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ELVIRA


Tu sais ce que le paladin Renaud,
De compagnie avec le vigoureux Roland,
Coupa un jour, avec un canif,
À l’infâme dévirgineur Ferragus,
Qui avait enlevé de sa demeure
La simple et aimable fillette.

Eh bien ! ce qui fut coupé à Abélard
Et à cet affreux païen de Ferragus,
Il se le coupa à lui-même… ah ! ne détournes-tu pas la tête
D’horreur ?… de sa propre main,
Ce Ramiro, et il mit dans une boîte
Ses génitoires coupés et sanglants.

Le pauvre diable resta plusieurs jours au lit
Sous prétexte qu’il avait mal à un pied ;
Guéri à la fin, il court au palais royal,
Portant avec lui le gage de sa foi ;
Il se présente à l’appartement du Roi
Et lui parle en ces termes :

« Sire, la charge que je reçois de vous,
» Est de sa nature très délicate ;
» Je dois accompagner votre épouse ;
» Que j’aie des ennemis, j’en suis bien convaincu :
» Aussi vous laissé-je dans cette petite boîte
» Un gage sacré de ma parfaite et inviolable fidélité.

» Gardez-vous de l’ouvrir, tant que vous ne serez
» Pas arrivé à suspecter ma conduite ;
» Cette petite boîte alors suffira
» Pour dévoiler la perfidie de mes ennemis,
» Et faire éclater mon innocence, si bien ourdies
» Que soient leurs ruses exécrables et impies. »