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ELVIRA


Le Monarque cessa de parler, et la Reine rit
De cette puérile précaution ;
Peut-être décida-t-elle, dès lors, en son cœur
De faire de son mari un nouvel Actéon.
La femme est un animal fantasque,
Que la défiance porte à la trahison.

Mais qui donc alla choisir ce grand Monarque
Pour conduire la Reine à Saint Toto ?
Un jeune seigneur bien fait, de manières élégantes,
Ayant de beaux yeux, de belles lèvres et la peau fine ;
Spirituel, aimable, bien portant,
Et à la fleur de ses vingt-quatre ans.

Il était grand’croix de l’Ordre auguste
Des chevaliers de la Parpagnacca[ws 1];
Il avait dans les veines le vieux sang
Des ducs de Piè-tondo et de Patacca ;
Et, quoique imberbe et tout jeune, il s’était élevé
À la haute dignité de favori.

Ramiro était son nom, et toutes les dames
De la Cour lui faisaient les yeux doux ;
Toutes brûlaient pour lui d’amour chaud
Et se sentaient le cœur blessé dans leur poitrine :
Mais à quoi bon ? Nature avait fait à Ramiro
Un cœur plus froid que le nez d’un chat.

Vingt-quatre ans, comme je l’ai dit, il avait :
Hé bien, chose incroyable, jusqu’alors
Il avait conservé intacte sa fleur virginale,
Et du royaume d’Amour se tenait écarté ;
Il serait mort au milieu de mille tourments
Plutôt que de ternir un tantinet sa pudeur.

  1. Note de WS : Utilisé en plaisantant pour le côté honteux de la femme, cf. Vocabolario dell’uso toscano compilato da Pietro Fanfani, 1863.