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LE ROI BARBADICANE


» Si j’étais un Encelade, un Gérion,
» Un Briarée… avec cent et cent épées
» Je voudrais !… mais je suis un pauvre coïon,
» Et il n’y a pas à penser à la vengeance !
» Lance la foudre, ô Dieu, du haut du ciel,
» Sur cet impie qui m’a volé ma femme !

» Et que dois-je faire ? Tenterai-je le sort
» Et dirai-je au Roi : Rendez-moi mon bien ?
» Oui, s’il suffisait d’avoir raison à la Cour…
» Malheureux que je suis ! que faut-il donc faire… ?
» Ah ! pendant que je délire ainsi,
» Ce cochon-là paillarde avec ma GRACE !

» Ah ! femmes ! femmes ! honte de la nature !
» Mises au monde pour le déshonneur du monde !
» Elle m’avait, un jour, juré constance et fidélité,
» L’impie ! et elle me plante des cornes si longues !
» Je ne pourrai plus sortir de ma maison, que : Voici,
» Dira tout le monde, ce cocu de tailleur !

» Déjà je vois chacun de loin me montrer au doigt
» À cause de mes cornes longues d’un demi-mille…
» Ah ! plutôt que de traîner une vie infâme,
» Mieux vaut mourir… et à mourir je m’apprête.
» Ne suis-je pas, par hasard, en danger de mort ?
» Les rois souffrent-ils des rivaux, pour la figue, ou pour le trône ?

» Mais comment jamais a-t-il pu l’épouser
» À la face de l’église ?… Je n’y comprends foutre rien !
» Ma tête tourne comme une toupie !
» Si je tarde davantage à mourir, je mourrai fou !
» Canailles de prêtres ! aux plus offrants
» Vous vendez la morale et les sacrements ! »