Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
LE ROI BARBADICANE


» Permettez-moi de rentrer à la maison,
» Et ne m’en veuillez pas de vous faire faux bond… »
— « À Dieu ne plaise que je vous entraîne de force ! »
Dit le Roi ; « faites tout ce que vous voudrez,
» Pourvu que de près ou de loin
» Vous m’accordiez toujours votre GRACE :

» Je vous salue, et à la campagne maintenant,
» Je vais voir ce que vaut ma lance. »
Grâce leva la tête qu’elle tenait baissée,
Elle fit un geste qui lui était familier
Et que notre tailleur, attentif à la contempler,
Distingua à la lueur de la torche secouée au vent.

Il descend tout surpris, et le cocher
Fait galoper les chevaux de l’équipage ;
Par la portière le Roi se fait voir,
Il le salue du geste et du chapeau ;
Le tailleur ne s’en aperçoit pas, et le cœur en proie
À une colère extrême, il retourne à sa maison.

Il ne cherche pas de lumière, il monte les deux étages,
Et, trouvant au balcon la belle femme,
Il s’avance, il frémit, et furieux il saisit
Le bord de sa jupe de soie ;
La femme, tirée en arrière, ne reste pas debout,
Elle tombe et se cogne la tête à grand bruit.

À cette chute l’autre se repent et s’approche
Pour relever sa femme tombée à terre,
En disant : « Ma chère, je ne l’ai pas fait exprès ;…
» Oh ! pauvre homme que je suis ! Es-tu évanouie ?
» Ah ! tu ne parles pas, tu ne respires pas… Hélas !
» Si tu es morte, je veux mourir avec toi.