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ET GRACE


» Mais fais bien attention : quand tu auras vu
» Passer les époux avec les grands du royaume,
» Parmi lesquels tu me verras en carrosse, moi aussi.
» Bien que je sois indigne de tant d’honneur,
» À un signe que je te ferai de la main droite
» Rentre, et ne reviens plus à la fenêtre. »

Grâce promit d’obéir et, l’heure venue,
Vers le palais le tailleur se dirigea ;
Il attendit longtemps avant de voir paraître dehors
L’épousée et le Prince dans toute leur splendeur ;
Après cela, il suivit le cortège, et à la cérémonie,
Il fut, avec le comte Arcibuco, témoin.

Quand tout fut achevé, pour un somptueux souper
À la campagne le Monarque s’en alla ;
La nuit, pas trop claire, commençait,
Et au balcon du tailleur se tenait
Une dame, dans la posture
De quelqu’un qui est étonné, regarde et admire.

Le bonhomme la voit, il lève la tête
Et lui fait signe de se retirer ;
Immobile, elle reste à sa place,
Comme si elle eût été de marbre ou de bois ;
Le tailleur, voyant qu’elle ne prend garde à lui,
Blasphème et fait arrêter la voiture.

Il en descend aussitôt ; au coche royal
Vite il arrive, il monte à la portière
Et, parlant au Roi à mots entrecoupés : « Illustre Monarque,
S’écrie-t-il, « vous direz que je suis un sot personnage,
» Mais je ne puis vous suivre à souper,
» Parce que je me sens fort mal à mon aise.