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ET GRACE


» J’estime votre GRACE à très haut prix
» Et j’espère en jouir, grâce à vous.
» Voyez un peu quelle femme je me suis trouvée !
» Quel morceau de choix !… N’est-ce pas vrai ?
» J’espère qu’elle sera dans peu de jours à moi,
» Et que j’aurai du bon temps avec votre GRACE. »

Mais le tailleur, qui se sentait mourir
Du cruel soupçon qui le tourmentait,
Demandait toujours permission de partir,
Promettant de revenir tout de suite.
Le Roi faisait le niais et l’imbécile,
Il causait et prenait un peu de distraction.

Avez-vous jamais essayé, quand une chatte a mis bas
Dans un coin du grenier ses petits minets,
De la transporter de force dans un autre endroit ?
Elle les entend crier et ne les a plus près d’elle,
Elle tourne, et se retourne, et, attentive, épie
L’occasion favorable pour se sauver.

Tel était le tailleur en présence de son souverain :
Il tournait dans tous les sens, il se tordait,
Il regardait au visage tous ceux qui l’entouraient,
Il ouvrait la bouche, et puis, ne disait rien ;
Tantôt en avant, tantôt en arrière il faisait un pas ;
Il regardait tantôt en l’air, tantôt en bas.

Quand le Roi l’eut entretenu
Tout le temps qu’il voulut prendre ce plaisir-là,
Avec le caporal qui l’avait amené
Il lui donna permission de partir :
Mais en lui disant, avant de le congédier,
Qu’il restait dans cette chambre, à l’attendre.