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ET GRACE


Il s’enflamma soudain plus que le roi David,
Ce jour, où de la fenêtre à laquelle il était
Dans le jardin, telle qu’une blanche neige, il vit
La belle et gracieuse Bethsabée
Qui, nue, sur le bord d’un ruisseau limpide,
Nettoyait la cage à l’oiseau.

« Celle-là, » dit Barbadicane, « par Dieu !
» Sera ma femme, ou bien je n’en prendrai pas ;
» Aurais-tu un moyen, mon ami ?…
» Fais bien attention, tu peux faire ta fortune…
» Saurais-tu bien comment une dame si aimable
» Pourrait tout de suite devenir ma femme ? »

— « Oui, Majesté, » répondit l’estafier,
« Il suffit de couper la tête à son mari.
» Je ne vois pas, Seigneur, d’autre moyen
» De pouvoir vous passer votre envie…
» — Tais-toi, » dit le Roi, « rebut du ruisseau,
» Il faut, dans un cas pareil, consulter ma mère. »

Parlant de la sorte, il s’en alla,
Le cœur plein de flamme amoureuse.
Il se rendit auprès de sa mère
Et lui dit : « Je me sens mourir, je meurs,
» Et si vous ne trouvez remède au mal,
» Je me pends à l’instant, ou je me fais moine. »

Il continua en racontant comme
Il s’était enflammé pour la femme du tailleur, et comme
Il ne prendrait jamais une autre femme,
Quand même elle aurait titre et rang de déesse.
La Reine, oyant ce langage,
Poussa un cri, et ses lunettes lui churent du nez.

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