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LE ROI BARBADICANE


Il retourna avec sa femme dans sa maison
Qui avait deux étages au-dessus de la boutique ;
Bien vite, la jalousie s’empara de son âme,
Il ne lui permit de sortir ni la nuit, ni le jour,
Et pour qu’elle ne se mît à la fenêtre,
Il l’enferma à clef, sous de bons verroux.

Pendant que dans sa boutique il se tenait à travailler,
Il était tout plein de terreur jalouse ;
Il allait dans la cour et l’appelait bien fort,
Disant : « Ô Grâce, montre-moi un peu
» Ton doux visage au travers du balcon,
» Viens apaiser un peu le feu qui me consume. »

Grâce (ainsi s’appelait sa femme)
Paraissait au balcon de la cour ;
Il rentrait dans sa boutique ; puis, en toute hâte,
Il retournait dans la cour, et sans cesse :
« Ô Grâce, ô Grâce, » criait-il
D’une voix tremblante, et elle paraissait aussitôt.

Il répétait cette manœuvre trois cents fois par jour,
Ce qui faisait rire tout le voisinage ;
Un estafier, qui demeurait aux environs
En informa bientôt Barbadicane,
Lequel se sentit tout de suite au cœur le désir
De planter aussi des cornes à ce tailleur.

Il part aussitôt du palais royal
Et, en compagnie du fidèle estafier,
Après un court trajet, il arrive à un endroit
D’où l’on découvrait la cour du tailleur ;
Là, regardant par un petit trou,
Il voit la belle Grâce sur sa terrasse.