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LE ROI BARBADICANE


» Par vous, tous les maris ont des cornes,
» On ne peut plus trouver une seule vierge ;
» Vos sujets, à vrai dire, font les imbéciles,
» Mais, croyez-moi, il y a anguille sous roche ;
» Mon fils, vous vous mettez dans un fichu cas :
» La figue a ruiné plus d’un royaume.

» Il sera beau de lire un jour dans l’histoire
» Que le roi Barbadicane, jadis puissant,
» Ayant perdu son antique honneur, sa gloire héréditaire,
« A été précipité du trône pour les putains ?… »
Elle voulait en dire plus long, mais il lui arriva
D’avoir besoin de se moucher le nez.

— « Ma mère, » répondit le Prince, « je m’aperçois bien
» Qu’en tout ce que vous dites, vous avez grandement raison :
» Je vois le bon chemin, je le voudrais suivre et je suis le pire,
» Comme le grand Ovide le fait dire à Médée ;
» Et j’y suis désormais si habitué
» Qu’à aucun prix je ne saurais faire autrement. »

— « Mais, » répliqua la mère, « si vous voulez
» Éteindre le feu qui vous embrase,
» Lâchez les putains, et prenez enfin,
» Comme votre royaume le désire, une femme ;
» Avec plus de sécurité et à moins de frais,
» Baudouinez sous le contrôle de Sainte Église.

» Il y a ici beaucoup de belles princesses
» Qui se disputeront votre main…
» — Oh ! quant à cela ! je n’en ferai rien ;
» Si le Dieu d’amour ne me lance une flèche, »
Répondit le Roi, « mais une flèche qui pénètre à fond,
» Je veux faire le putassier jusqu’à la mort.