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ET GRACE


Quand son fils fut arrivé à un âge
À ne plus prendre des vessies pour des lanternes,
L’excellente dame choisit le meilleur moyen
Pour l’empêcher de gouverner son royaume ;
Et, en lui inspirant le goût de la femme,
Elle porta les culottes et lui laissa la jupe.

Mais le jeune homme, trop docile aux conseils de sa mère,
Mena ses affaires à mal ;
Plus d’une fois il courut de terribles dangers,
D’affreuses conjurations éclatèrent,
Et tout le pays, déjà fatigué de son règne,
Menaçait de se mettre en rébellion ouverte.

La Reine eut une peur épouvantable ;
Elle alla trouver le Roi, son fils,
Qui ne voyait pas venir l’orage ;
Elle s’enferma seule avec lui,
S’assit, et, raide comme un pieu,
Lui tint à peu près ce langage :

« Mon fils et mon seigneur, le genre de vie
» Que vous menez est trop scandaleux ;
» La figue, j’en conviens, est savoureuse,
» Moi aussi j’aime fort un mistigri rugueux :
» Mais, modus est in rebus, mon fils,
» Changez de vie, pour l’amour de Dieu !

» Nous avons été plus d’une fois, par votre faute,
» En péril de perdre la couronne.
» De coureuses, de courtisanes et de catins
» Cette royale demeure est toujours pleine ;
» Et vos magnats et vos courtisans
» Sont les maquereaux et les ruffians.