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MUSTAPHA


Le Turc, à cette réponse, vit bien
Que le Cadi se moquait de lui,
Et, en blasphémant, il lui tourna le dos ;
Puis, vers l’Iman il dirigea ses pas.
L’Iman chez les Turcs est un prêtre, un curé
Auquel on ne doit jamais s’adresser les mains vides.

Mustapha donc à l’Iman raconta
Qu’il avait chez lui le diable, ou au moins un sorcier,
Lequel ayant pris, chose étonnante, son visage,
Était à faire l’aimable avec ses femmes :
« Et Dieu sait, » dit-il, « en ce peu de temps,
» Quelles grandes cornes je porte au front ! »

Disant ces mots, Mustapha mit dans la main de l’Iman
Une poignée de sequins de bon aloi,
Puis il reprit : « C’est votre art souverain
» Que j’implore, ô grand Iman ; devant vous
» Ce scélérat de démon n’osera résister ;
» Il lui faudra renoncer à sa mauvaise farce. »

L’Iman appela six autres prêtres
Qui lui servaient d’aides et de témoins
Quand, avec ses pieuses et sacrées cérémonies,
Il conjurait les démons pervers ;
Et, portant l’Alcoran sous le bras,
Vers la maison de Mustapha tous se hâtèrent.

Capelbruno leur fit ouvrir tout de suite ;
Plein de respect pour le sacerdoce,
Il vint sur les escaliers leur faire ses révérences ;
Et, comme il était sûr de son affaire,
Il voulut bien qu’entrât avec eux
Le furibond Mustapha, qui souffle et frémit de rage