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MUSTAPHA


Alors Mustapha tira son couteau
Et le lui enfonça tout entier dans la gorge ;
Elle ne survécut pas une heure à ce coup perfide,
L’innocente et malheureuse enfant ;
Elle expira en disant : « Sur toi Mahomet s’apprête
» À tirer de ce meurtre une terrible vengeance.

» Ne pleurez pas, ô mes compagnes ! ma mort
» Vous amènera de plus heureux jours ;
» Devant le grand prophète déjà je vais comparaître,
» Et justement… il punira… je l’espère…
» Ce brigand !… » Elle ne put en dire davantage,
L’heure de la mort était venue.

Séparée du corps, cette belle âme
S’envola dans le paradis de son Mahomet,
Comme la tremblante étoile du matin.
Le visage resplendissant d’une flamme céleste,
Et stupéfaite, elle contempla tout autour d’elle
Ce délicieux et ravissant séjour.

Elle se trouva au milieu d’un petit bois fleuri
Où serpentait un limpide ruisseau d’argent :
Parmi les roses et les lis elle chemina quelque temps
Et, à la fin, vit en face d’elle un palais
Auprès duquel serait un bouge
Le Louvre altier et l’Escurial lui-même.

Aussitôt de la grand’porte sortirent
Cent blonds et fort jolis damoiseaux
Qui vinrent à sa rencontre et l’acclamèrent pour leur dame,
Et lui offrirent à l’envi leur amour et leurs oiseaux,
En lui disant : « Choisissez, charmante Uris,
» Vous serez l’épouse de qui vous voudrez. »