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MUSTAPHA


Serrures, crochets, verrous,
Barres de fer, chaînes, cadenas,
Esclaves privés de leurs génitoires,
Grilles doubles, pièges tendus,
Hautes fenêtres, fossé, mur épais,
Ne le rassuraient pas contre les cornes.

Plumes, encriers et papier, à l’égal
Des courts pistolets étaient prohibés ;
Le bourdonnement des mouches, le braiement des ânes,
Le miaulement des chats, les aboiements des chiens
Mettaient l’alarme dans le sérail,
Et, vite, Mustapha courait aux armes.

Se visiter, causer entre elles était interdit
Aux malheureuses épouses ; il disait
Qu’une bonne femme doit rester seule
Et ne penser qu’à son mari.
« Une brebis galeuse, » répétait-il
À toute minute, « peut en gâter cent. »

Un jour qu’étendu sur le sofa
Il avait appelé ses femmes en sa présence,
L’une d’elles, à qui l’emporté Mustapha
Fit avec ses reproches perdre patience,
Lui jeta à la face ses mauvais traitements,
Son insupportable et sauvage férocité ;

Et elle lui dit : « Par Dieu ! monsieur mon mari,
» Jusqu’à ce jour je vous ai été fidèle,
» Mais puisque toujours à tort en fureur
» Vous êtes, et si désagréable et si cruel,
» Je veux, car il ne m’en arrivera pas davantage,
» Vous faire, si je peux, cent paires de cornes. »