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DES ROIS


Il s’en alla ensuite ; le pauvre garçon,
En se sentant toucher deux fois et couper les cheveux,
Demeura comme fou de terreur,
Et peu s’en fallut qu’il ne tombât en syncope ;
Il s’écria : « Hélas ! le Roi ne se contentera pas de cela,
» Aujourd’hui il me coupe les cheveux ; demain ce sera le cou. »

Longtemps il resta plongé dans de tristes réflexions ;
Tantôt de se soustraire par la fuite au péril,
Tantôt de tourner contre lui-même poignard ou sabre,
Tantôt de s’étrangler il prenait la résolution ;
Tantôt encore l’occasion lui suggérait la pensée
De se jeter à bas du balcon et de se rompre les os.

Il se lève, décidé à fuir,
Et, ayant allumé une chandelle à la cheminée,
Il voit que Barbagrazia avait jeté
Les cheveux coupés au pied du lit :
Son cœur tressaille d’allégresse, et il dit :
« Oh ! comme il est bête et que je suis heureux !

» Il veut se couper les cornes, mais il se trompe ! »
Le page prend alors les ciseaux qu’il avait dans son carnet,
Et il coupe les cheveux à tous ses compagnons
Au-dessus de l’oreille, du côté gauche ;
L’affaire ainsi arrangée,
Il passe, moins effrayé, le reste de la nuit.

À peine le jour parut-il du côté de l’Orient
Que le Roi, plein d’une colère bestiale,
Tira la sonnette avec tant de force
Que tous les courtisans en augurèrent mal ;
Ils accoururent en hâte, et d’une main tremblante,
En lui donnant le bonjour, ouvrirent la fenêtre.